lundi 6 avril 2020

Les extraordinaires et fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé, tome 1 : Rue Farfadet de Raphaël Albert - Ou Je suis Sylvain, fils de Sylvain, roi des elfes

Genre : Fantastique / Policier
Année de parution : 2010 (version 2018 dans mon cas)
Edition : Editions Mnémos (Hélios)
Format : Poche
Nombre de pages : 320 pages

Série en quatre tome (Complète)


De quoi ça parle ? 


Panam, dans les années 1880 : les humains ont repris depuis longtemps la main sur les Peuples Anciens. Sylvo Sylvain a posé son havresac dans la rue Farfadet, gouailleuse à souhait. Il exerce la profession exaltante de détective privé et les affaires sont nombreuses ! Des adultères, des maris jaloux, des épouses trompées, etc. Ni très rémunérateur, ni très glorieux... Alors, Sylvo fréquente assidûment les bars et les lieux de plaisir en tout genre où son charme envoûte ces dames... Jusqu'au jour où lors d'un banale enquête de routine il se trouve mêlé à une machination dépassant l'entendement. Le voilà, bien malgré lui, chargé de l'affaire par l'un des trois puissants ducs de Panam. Saura-t-il tirer son épingle de ce jeu compliqué et dangereux ?




La chronique 


Poursuite de la PAL bibliothèque en attendant la fin du confinement avec ce petit roman, un peu pris au hasard... Mais quel heureux hasard mes amis. Rue Farfadet est le premier tome d'une petite saga en quatre volumes nous narrant les aventures de Sylvo Sylvain, elfe de son état, et fier détective privé.

Alors, avis à la population : Toi qui a cliqué sur cette chronique, poses calmement ta souris et va immédiatement commander/emprunter/chiper à un pote ce livre parce que... Bah c'est vachement bien. Il ne faut pas s'arrêter à la couverture un peu kitch et au titre peu accrocheur, Rue Farfadet est un bon livre grâce auquel j'ai passé un très très sympathique moment de lecture. Alors, ok, je m'emballe peut-être, le livre a des défauts et ne plaira sans doute pas à tout le monde. Un début d'intrigue qui met assez longtemps à réellement démarrer, un univers peut-être trop atypique pour certains, un style particulier et un schéma narratif assez classique, mais très franchement ça représente bien peu de choses en comparaison du plaisir de lecture accumuler aux fils des pages. 

Sincèrement, ça a été une franche réussite pour moi. Je n'en attendais pas grands choses et je n'ai jamais été aussi heureuse de mettre trompée ! Je me suis laissée emporter par l'univers, ses personnages, son histoire, la plume de Raphaël Albert et toute cette ambiance propre à Panam. Et, justement, faut qu'on parle de Panam.

Rue Farfadet c'est un policier. D'apparence, on est sur un registre assez classique : notre héro détective privé qui au détour d'une enquête, tout ce qu'il y a de plus banal, se retrouve entraîné dans quelque chose de beaucoup plus grand et grave. Jusque-là rien de bien folichon, sauf si on omet le fait que Sylvo Sylvain est un elfe et que la ville de Panam est un miroir fantastique de la ville de Paris. Alors Panam, c'est clairement le point fort du livre. En fait, l'univers en général est le point fort du livre. Je me demande sincèrement si j'aurais autant apprécié suivre les aventures de Sylvo sans toute la dimension fantastique qui s'y rattache. On est sur un univers un peu barré, ici point que des humains en guise de protagonistes mais des trolls, elfes, sylphes, salamandres, nains, féries, sorciers, gobelins, pixies et autres créatures du bestiaires fantaisie. Dit comme ça, ça fait peur, ça sonne comme un joyeux bazar mais, justement, c'est parce que c'est un joyeux bazar que ça marche. Toute l'intrigue se joue à Panam, ville cosmopolite et pluriculturelle où toutes ces créatures cohabitent dans une joyeuse disharmonie. C'est bruyant, brouillon mais surtout fascinant. Il y a un travail énorme autour de ville de Panam, son histoire, sa géographie, son ambiance et, du coup, ce qui était un joyeux bazar sur le papier devient un univers crédible auquel j'ai 100% cru. On se laisse vraiment facilement prendre au jeu, d'autant plus que Raphaël Albert a fait un travail incroyable de jeu de mot, entre Amélie Cheval, la place Mygale, Saltrouville, y a de quoi rire des heures sur cette parodie de Paris. Pour le coup, j'ai trouvé l'expérience incroyable, parce qu'un véritable de jeu de piste s'est crée entre moi et le livre. Habitante de la région Parisienne, je me suis vraiment amusée à déceler les clins d’œils, reconnaître les endroits, me faire ma propre carte dans la tête. Alors, clairement, c'est pas le cœur du livre, ça ne fait pas tout, mais ça a été un gros point positif et un gros plus pour moi. 

L'univers est étonnamment riche, plus que ce à quoi je m'attendais en ouvrant Rue Farfadet pour la première fois. De façon général, le monde de Sylvo est faussement simple, le ton du livre aussi. On rigole beaucoup, la plume de Raphaël Albert est remplie d'humour, mais est également très incisive et cynique. Panam est loin d'être toute rose, nos personnages aussi. En fait, faut voir un peu Rue Farfadet comme un tableau très abîmé, terne, sur lequel on aurait rajouté de la couleur et une couche de vernis pour cacher les moisissures et les défauts.  C'est du tragique-comique pur souche et c'est très très agréable, il y a ce petit je ne sais quoi qui rend le tout authentique et foutrement efficace. 

Outre son univers dépaysant et familier à la fois, on a aussi toute une galerie de personnages incroyables, hauts en couleurs, attachants, surprenants... Bref ! Sylvo en premier lieu, notre héro et narrateur. Sylvo, c'est un elfe immigré à Panam à la suite de l'exil de sa forêt. J'ai adorée Sylvo et son lore, tout ce qui tourne autour de lui, en fait. Un personnage moqueur, rieur, quelque peu désinvolte mais en réalité beaucoup plus torturé et mélancolique qu'il n'y parait. C'est un personnage tout en nuance, au passé lourd (dont on ne nous dévoile que quelques indices, touches ici et là), ancré dans un regard tourné vers l'arrière et... Pas franchement exemplaire. Et c'est ça que j'ai bien aimé, Sylvo est une loque, un alcoolique qui dépense sa maigre pitance dans des bouteille de ouisk, connaît tous les bars de la ville, a des ardoises à éponger auprès de gens peu recommandables et qui noie ses besoins primaires dans des relations moyennant finance. Ce n'est pas quelqu'un d'épanouie ou même d'heureux et j'ai juste profondément aimé ce personnage, ce qu'il dégageait, ses défauts, sa mesquinerie mais aussi cette fragilité et ce bon fond qui fait parfois surface et qu'il brime parce que la vie ne laisse que peu de place à ce genre de luxe émotif. Son duo avec un certain pillywiggin est également un point fort du livre... Parce que Sylvo ne travaille pas seul, mais en association avec Pixel, petite créature volante, une fée clochette qui n'a de fée que l'apparence, parce que du haut de ses quelques centimètre Pixel est un digne héritier de Kirikou, petit et vaillant, survivant de ville, espion de choc, distributeur de punch-line et accessoirement veilleuse à ses heures perdues. C'est un duo de choc, efficace, qui se complète, Pixel jouant un espèce de rôle de grand-frère, garde fou auprès de Sylvo, juste c'est super agréable de les voir échanger ensemble. On pourrait passer des heures à énumérer tous les personnages de cet univers, les trois Ducs, le quatrième, mystérieux et intrigant personnage de l'ombre, le nain Martin et sa femme Griselda, Éléonore l'humaine blonde, Mélios l'elfe, Hector et bien d'autres. On aurait du mal à en faire le tour car ils ont tous un petit quelque chose d'unique, d'attachant bien que certains soient des truands de première catégorie. 

L'histoire apporte son lot de rebondissement, un schéma classique, encore une fois, et un petit point noir qui est le début du livre. Les, disons, cinquante, soixante premières pages sont fastidieuses. Mais justement, il ne faut surtout pas se laisser décourager. Rue Farfadet pause les bases de l'univers, des personnages et le début du livre est un peu longuet maiiiis c'est pour une bonne raison. Le dernier tiers du livre se dévore sans interruption, les choses mettent du temps à se mettre en place mais quand c'est parti, c'est parti et on ne regrette rien. Le rythme est plaisant, laissant autant de place à l'évolution des personnages qu'a l'action. 

Un autre point positif, selon moi, c'est la plume de Raphaël Albert. Je ne suis pas vraiment fan de la première personne. En général, je trouve le style peu percutant, assez plat et le fait d'être cantonné au regard d'un même personnage peut parfois être un peu étouffant et handicapant quand le courant passe mal avec le dit personnage. C'est pas le cas ici. C'est drôle, vif, cynique, vivant, je ne sais pas comment Raphaël Albert fait mais c'est vraiment agréable pour le coup. On nous offre des chapitres assez complet, pas trop longs, pas trop courts et quelques passages assez bien foutu sous forme d'articles. C'est qu'un détail, ça n'arrive que deux fois dans le récit mais, je ne sais pas, ça offre un petit truc en plus foutrement agréable. 

Je crois qu'on a fait le tour, sincèrement je pourrais parler encore longtemps de Rue Farfadet. J'ai beaucoup aimé ce qu'on nous propose, ce qu'on nous raconte, l'univers, le style, les personnages, l'histoire avec cette fin douce amer qui nous fait bien comprendre que Les extraordinaires et fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain est loin d'être une petite série à deux ronds. On aborde des thèmes intéressants comme celui de l'exil, des apatrides, de la culpabilité, du besoin d'absolution, de la solitude, de la dépression, du racisme, des mouvements sociaux, des inégalités, de la lutte des classes, etc que j'ai très très hâte de voir approfondit.

Bref, du tout bon ! 

Ma note : 16/20


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