mercredi 24 juin 2020

Winternight, tome 1 : L'ours et le rossignol de Katherine Arden - Ou à cheval entre Chihiro et Anastasia

Genre : Fantastique/Historique
Année de parution : 2019
Edition : Editions Denoël (Lunes d'encre)
Format : Grand Format Broché
Nombre de pages : 351 pages

Série en trois tome (Complète)


De quoi ça parle ?


Au plus froid de l’hiver, Vassia adore par-dessus tout écouter, avec ses frères et sa sœur, les contes de Dounia, la vieille servante. Et plus particulièrement celui de Gel, ou Morozko, le démon aux yeux bleus, le roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ces histoires sont bien plus que cela. En effet, elle est la seule de la fratrie à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces nichées au plus profond de la forêt. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales.


La chronique 


C'est la couverture qui m'a d'abord intriguée dans L'ours et le Rossignol, puis l'univers ensuite. Classé comme fantaisie sur Livraddict, j'aurais plus tendance à dire que ce livre est à cheval entre le récit historique et fantastique. L'histoire prend place dans la Russie médiévale, une époque peu connue, du moins par moi. L'ours et le Rossignol est un voyage dans un pays où se côtoient soleil et glace, dans le Nord reculé, au milieu des forêts ancestrales, dans une époque où Dieu unique et Puissances anciennes se font la guerre dans le cœur des Hommes. On va suivre le destin de Vassia et des siens, une famille unie et robuste, pas si conventionnelle que ça, puisque Vassia a un don, un don qu'avait sa mère, un don aussi précieux que terrible : celui de la double vue. Vassia voit un monde que nul autre qu'elle ne peut voir, un monde d'esprits, de petits êtres protecteurs des foyers et de nymphes d'eau prédatrices.

C'est clairement presque un coup de cœur, on n'en est vraiment pas loin. Je ne saurais dire pourquoi on y est pas totalement, peut-être tout simplement l'appréciation de certains points narratifs qui ne m'ont pas convaincue, mais en tout cas, retenez juste qu'on tape ici sur du très bon. Si la couverture est belle, l'histoire qu'on nous raconte derrière l'est encore plus. L'univers de L'ours et le Rossignol est un petit bijoux, je me suis rarement aussi plongée intensément dans un univers, je me sentais "comme à l'époque", je visualisais la rusticité particulièrement charmante de la maison de Vassia, son petit village, la cacophonie de la cuisine familial le soir, l'ambiance très "au coin du feu" des histoires de Dounia.. Bref, une vraie petite pépite. Le style y est pour beaucoup, l'autrice met dans son oeuvre une foule de petits mots russes qui viennent ajouter à l'immersion dans l'oeuvre, puis au delà de ça je trouve très très plaisant d'en apprendre plus sur le vocabulaire. On a clairement un contexte historique qui, s'il prend quelques libertés, n'en reste pas moins crédible, on visualise les villes, les us et coutumes, le style des bâtiments, la rudesse de la vie en hivers, le quotidien des gens, etc. Comme dit plus haut, L'Ours et le Rossignol est avant tout un voyage et, en ce qui me concerne, un voyage qui m'a énormément plu. 

Outre le plaisir du dépaysement, j'ai trouvé les personnages attachants. L'histoire met du temps à réellement démarrer, en fait, le rythme du récit est très très lent. Ça aurait pu être handicapant, seulement ça ne l'est pas. Si Vassia est présente sur la première et quatrième de couverture, je ne dirai pas qu'elle est l'héroïne principale du récit, en fait, j'irai jusqu'à dire que ce récit est une histoire de famille. On va suivre la famille de Vassia avant sa naissance, on côtoie ses frères et sœurs presque autant qu'elle, voire plus dans la première partie du récit. On la voit petite fille, puis jeune fille et le monde grandir en même temps qu'elle. Les personnages sont, du coup, palpables, vrais, on les voit évoluer avec le temps et comme le rythme est lent, les changements qu'on nous imposes ne semblent pas forcés ou sortit de nulle part. La peur suscitée par le personnage du père Konstantin prend peu à peu place dans le village de Vassia, par exemple, et on la sent, on sent le changement, on sent les tendances et c'est assez grisant. 

En fait, je vois un peu dans L'ours et le Rossignol un conte. En fait, non, totalement, c'est un conte, tout tourne autour du conte, de son imaginaire et de ses codes. On pourrait résumer basiquement le scénario à ça : une jeune fille à des dons, l'arrivée d'un personnage (en l’occurrence le père Konstantin) très pieux va décrier ce don et les anciennes coutumes propre à la région, un changement de croyance chez les habitants s'opère, l'équilibre est brisé et seule la jeune fille capable de voir l'invisible peut en changer. On a également une lutte à deux échelles dans ce récit, plus qu'un conte, on a aussi une lutte idéologique, religieuse entre les anciennes croyances/traditions et la chrétienté qui impose (par le biais de deux personnages très pieux et intolérant) l'oublie de ce patrimoine culturel pourtant là depuis la nuit des temps. Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que le roman ne remet pas en cause la cohabitation des croyances, mais la domination de l'une ou de l'autre, ça colle plutôt bien avec ma propre idéologie et du coup j'ai trouvé cette prise de position plutôt agréable. Je vois dans ce livre un message d'ouverture culturelle mais aussi de respect. J'y vois aussi un message profondément féministe puisque Vassia n'est en rien un modèle de beauté et pourtant est toujours valorisée. Son charisme, son courage, ses choix la rende belle et bonne au delà de toutes mesures, sans compter que Vassia est une jeune femme tout en dehors des normes féminines de l'époque. Elle monte à cheval, sauve un enfant, mais est condamnée pour cela puisqu'elle a agi plus courageusement qu'un homme, elle va en forêt, aide aux champs et surtout refuse le mariage et le couvent, seules alternatives possibles pour une jeune fille en ce temps-là. 

Les normes de l'époque, c'est aussi peut-être le plus grand défaut du livre. De notre regard d'occidentaux modernes, ce qu'on reproche à Vassia n'a pas de sens et n'a rien de choquant. Les réactions de nos personnages, notamment la belle-mère de Vassia et certains hommes du récit n'ont juste pas lieu d'être. Le décalage entre les normes de l'époque et celles qu'on a maintenant peut déstabiliser et rendre certaines péripéties de l'histoire illogiques à nos yeux. Il faut bien garder un certain recul et avoir bien à l'esprit les codes de la réalité historique dans laquelle on se trouve. Ce décalage mis à part, c'est vraiment une réussite en tout point, foncez !

Ma note : 18/20

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