vendredi 8 mai 2020

Le Prieuré de l'Oranger de Samantha Shannon - Ou le bouleversement du cycle

Genre : Fantasy / Médiéval
Année de parution : 2019
Edition : Editions de Saxus
Format : Grand format broché
Nombre de pages :  958 pages

Série complète 

De quoi ça parle ? 


Un monde divisé. Un reinaume sans héritière. Un ancien ennemi s'éveille. La maison Berethnet règne sur l'Inys depuis près de mille ans. La reine Sabran IX qui rechigne à se marier doit absolument donner naissance à une héritière pour protéger son reinaume de la destruction, mais des assassins se rapprochent d'elle... Ead Duryan est une marginale à la cour. Servante de la reine en apparence, elle appartient à une société secrète de mages. Sa mission est de protéger Sabran à tout prix, même si l'usage d'une magie interdite s'impose pour cela. De l'autre côté de l'Abysse, Tané s'est entraînée toute sa vie pour devenir une dragonnière et chevaucher les plus impressionnantes créatures que le monde ait connues. Elle va cependant devoir faire un choix qui pourrait bouleverser son existence. Pendant que l'Est et l'Ouest continuent de se diviser un peu plus chaque jour, les sombres forces du chaos s'éveillent d'un long sommeil... Bientôt, l'humanité devra s'unir si elle veut survivre à la plus grande des menaces.

La chronique


On entend parler du Prieuré depuis pas mal de temps déjà. Il fait partie de ces œuvres qui ont déboulées dans la sphère littéraire avec la grâce d'un éléphant dans un magasin de porcelaine... Un gros pavé de 958 pages, qui tombe avec un bruit de fin du monde entre tes mains pour te dire "TU DOIS ME LIRE". Au vu de l'engouement que suscitait livre, j'avoue y être un peu allée à reculons, j'ai laissé cette grosse pavasse passer de mains en mains dans mon entourage, avant de finalement la récupérer et m'y mettre dans les alentours du 26 mai dernier. 

Je pense qu'il est encore trop tôt pour qualifier cette œuvre de culte et, à mon sens, la comparer au Trône de fer ou à l'œuvre de Tolkien n'a pas vraiment lieu d'être. Pas parce qu'elle n'a pas le potentiel d'égaler ces deux monstres de la fantaisie, mais bien parce que c'est le temps, et seulement le temps, qui a fait du Trône de fer ou du Seigneur des anneaux les références qu'ils sont aujourd'hui. Cependant, faut qu'on pose ça tout de suite : Le Prieuré de l'oranger est incroyable et ce tant bien dans son fond que dans sa forme. C'est une œuvre qui embrasse parfaitement les codes du genre tout en les bousculant... Et dieu que ça fait du bien. C'est frais et novateur, tout en étant classique. Dans cette période où l'on recherche de plus en plus à créer des œuvres inclusives, je pense sincèrement que le Prieuré a un matériel de base qui ne peut que donner quelque chose d'incroyable sous le format d'une série télévisée. Si 958 pages, ça peut impressionner, je ne saurai que trop espérer que des boites de production s'emparent du projet pour le porter à l'écran. Avec l'arrivée de The Witcher, les spins off Games of Thrones et la série seigneur des anneaux d'Amazon on ne peut qu'espérer que l'univers du Prieuré soit étendu à d'autres médias.

Mais du coup, le Prieuré c'est incroyable, ok, très bien, mais en quoi ? Qu'est-ce qui fait que l'œuvre a été un tel poing dans la tronche de tout le monde ? Qu'est-ce qui pousse les gens à lui mettre des 19 et de 20 sur livraddict ? En ce qui me concerne, ça tient en pas mal de point qu'on va essayer d'aborder ci-dessous.

Déjà, je pense que le premier point fort du livre, c'est son accessibilité. Ici, pas de fantaisie péteuse, avec un style hyper stylisée pour, au final, ne pas raconter grands choses. Non, le Prieuré est simple d'accès, la plume est fluide, l'intrigue très bien rythmée, et même un non-initié au genre de la fantaisie pourra s'y retrouver. On a encore trop souvent l'habitude de tomber sur des œuvres fantaisistes qui, sous couvert d'un univers riche, adoptent un style très lourd, peut-être même trop lourd, ce qui laisse une bonne partie du lectorat en dehors de l'œuvre. Le Prieuré ne tombe à aucun moment dans ce piège et propose un univers très riche et foutrement cohérent tout en étant accessible. C'est plaisant et c'est, selon moi, la preuve d'une réelle bienveillance de la part de l'auteur. Le second point, c'est la qualité de l'univers, justement. Le continent où prend place notre intrigue est riche de nombreuses cultures ce qui apporte une diversité culturelle et ethnique assez folle. Chaque pays à son identité propre, une histoire particulière et c'est assez grisant d'en découvrir un peu plus à chaque nouvelle page. Si l'histoire se concentre avant tout sur l'Inys et la Seiiki, on a tout de même l'occasion de découvrir les autres nations et leurs peuples et je trouve que le tout est vraiment bien géré. Que ce soit l'aspect culturel ou religieux, on sent qu'il y a un réel travail sur l'univers qui nous est présenté et, pour le coup, c'est très bien présenté. Le monde du Prieuré de l'Oranger est très immersif, bien que riche, les particularités de ce monde ne nous sont pas envoyées dans la tronche avec maladresse, on nous donne le temps de visualiser, d'appréhender la forme du monde dans lequel on évolue avant de nous en présenter son fond et ses codes. On apprivoise l'univers avec fluidité et douceur et c'est très agréable à la lecture. Outre son univers, j'aime beaucoup la façon dont le thème de la religion a été abordé tout au long du récit. Le monde du Prieuré est riche de nombreuses croyances et aucune d'entre elle n'est hiérarchisée. Toutes sont présentées avec leurs défauts et leurs points positifs, et j'ai été particulièrement surprise de voir les personnages faire preuve d'autant de recul sur des sujets aussi délicats. Je trouve le message assez beau : une religion peut évoluer, mais surtout coexister en harmonie avec les autres.

Mais outre tout ça, le Prieuré regorge de nombreux autres points positifs. On en avait un peu parlé au-dessus, mais le livre est un exemple de représentation que ce soit ethnique ou sexuelle et ce n'est jamais appuyé. Dieu que ça fait du bien de ne pas voir un récit appuyer sur le fait que "oulalala on a une femme forte regardez" ou "oulalala on a mis des couples gays", non. C'est comme ça et... Point. Et c'est ça qu'il faut, c'est un merveilleux exemple de féminisme bien foutu, de représentation bien foutu. L'homosexualité est reconnue dans l'univers du Prieuré et tout le monde s'en fout et c'est ça qui est bien. Il y a des personnages typés asiatiques, africains et on s'en fiche, le récit n'appuie à aucun moment sur le fait que ces personnages ont tel ou tel couleurs de peau ou telle ou telle sexualité. L'auteure n'en fait pas le cœur, ni même l'argument de vente de ses héros et c'est foutrement plaisant. Cela fait également plaisir de voir autant de diversité en terme d'âge aussi. On a une palette incroyable de personnages, d'ailleurs, je trouve qu'un autre point fort du récit réside dans leur qualité d'écriture. C'est simple, j'ai rarement été indifférente aux personnages du Prieuré. Même ceux qui sont présenté comme des Némésis ou des ennemies sont assez bien développé pour qu'on comprenne leur motivation ou du moins qu'on puisse les appréhender. Les personnages secondaires comme Margret, Kit ou Truyde ont tous un fond suffisamment profond pour les rendre uniques et attachants. Chaque personnage que nous rencontrons possède son histoire, ses qualités, ses défauts, ses croyances, et cela, même s'ils n'apparaissent que de façons très ponctuelles dans l'Histoire. Les personnages principaux sont, quant à eux, incroyablement bien écrits, je pense notamment au quatuor, Niclays, Ead, Sabran et Tané qui porte à eux seuls tout le scénario. Niclays, d'ailleurs, mon personnage fav avec Loth, Margret, Jannart et Kit. Beaucoup d'affection pour l'empereur des douze lacs également.

Bien évidemment, l'histoire n'est pas en reste non plus. J'ai été très agréablement surprises par le rythme du récit. Les seuls petits bémols que je pourrais noter serait le déséquilibre entre les chapitres dédiés à Tané et ceux dédiés à Ead et ses aventures ainsi, peut-être, que l'épilogue qui m'a un peu laissée perplexe dans le cas du personnage de Tané. J'aurais aimé en savoir plus, sur peut-être les événements du Yscalin et l'enterrement d'un certain personnage. Voir le mariage d'un certain autre, etc. Par contre, totalement conquise par l'épilogue de Niclays, que je trouve incroyable. Voilà, pas vraiment des ratés en soit, juste une envie de pousser un peu plus loin le final de certains personnages. 

J'ai personnellement vraiment appréciée ma lecture du Prieuré de l'Oranger et je ne peux que vous conseiller de foncer. Malgré sa taille, c'est un livre qui se dévore assez vite car très prenant et qui déconstruit beaucoup des clichés propres au genre de la Fantaisie. On ne peut qu'espérer que ce genre de récit encourage d'autres auteurs a essayer d'en faire de même. Parfois, il suffit juste de poser la première pierre pour bâtir un empire. 

Ma note : 19/20

2 commentaires:

  1. J'ai comme l'impression que je ne vais pas tarder à faire sortie ce livre de ma pile à lire...J'ai pu constater tellement d'avis positifs et de chroniques élogieuses qu'il me tarde sincèrement de me plonger dans le prieuré de l'oranger, d'autant plus que les livres fantasy de ce genre, c'est totalement ma came ! =D

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    1. Hello de nouveau toi ! :)

      Le Prieuré de l'Oranger récolte pas de mal de bonnes notes, ouaip ! Après j'ai vu des avis un peu plus mitigés, sur booktube notamment. Avec le recul, je me rend compte de quelques petits manques par-ci par-là (comme le combat final peut-être trop "court"), mais ça reste une excellente lecture que je ne peux te conseiller, ne serait-ce que pour les messages que ça véhiculent ! Je serais curieuse d'avoir ton avis, du coup, quand tu l'auras lue <3

      Je te souhaite de bonnes lecture <3

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