vendredi 12 juin 2020

Shikanoko, tome 2 : La princesse de l'automne de Lian Hearn - Ou le destin cruel

Genre : Fantastique/Médiévale japonais/ Aventure
Année de parution : 2017
Edition : Gallimard (Jeunesse)
Format : Grand Format Broché
Nombre de pages : 368 pages

Série en quatre tome (Complète)

De quoi ça parle ?


Aux sources du "Clan des Otoris"... Le deuxième livre de la nouvelle épopée fantastique de Lian Hearn. Le destin de Shikanoko s'est assombri. Le masque du cerf qui lui conférait ses pouvoirs magiques est brisé. Alors que les catastrophes naturelles se succèdent et que s'engage la bataille pour le Trône de Lotus, Shikanoko peut-il garder l'espoir de retrouver Akihime, la Princesse de l'Automne, et l'enfant empereur ?

La chronique 


J'avais chroniqué le premier tome de Shikanoko il y a quelque temps déjà. Plutôt emballée par la promesse d'origine (Lian Hearn, Clan des Otoris, etc.), je m'étais retrouvée plutôt mitigée par cette première lecture, notamment à cause de son univers particulièrement... Flou. Le tout avait été assez nébuleux, j'avais eu du mal à assimiler les codes de ce nouveau monde, notamment la grande place donnée à la magie. Les personnages, quant à eux, ne m'avaient pas inspiré plus de sympathique que ça, bref ça n'avait pas été une expérience transcendante. Cependant, je suis partisane du fait qu'il faut juger une saga dans sa globalité et non pas sur un tome, surtout dans le cas d'un premier qui fait souvent office d'introduction pour un récit qui devient bien plus intéressant et riche par la suite. Aussi, j'ai donc emprunté les trois derniers tomes de la série dans ma bibliothèque et c'est du second, La princesse de l'automne, dont nous allons parler aujourd'hui. 

La princesse de l'automne, donc, reprend directement après les événements du premier tome. On retrouve un Shikanoko brisé physiquement, mais surtout psychologiquement, à la suite du viol d'Akihime et de la tentative de meurtre commis sur Yoshi. Notre héros est de nouveau seul, ses compagnons l'ont tous abandonné et le pouvoir du masque du cerf n'est plus. Dans son errance, il réussit à gagner la cabane de Shisoku, son ancien maître. De son côté, Aki tente de survivre avec Yoshi dans les bois Obscurs alors que le prince abbé continue sa traque pour retrouver le jeune empereur et que les luttes entre le clan des Miboshi et des Kakizuki font rage. Bref, le monde de Shikanoko est en ébullition et le tout ne va pas en s'arrangeant.  

Pour être honnête, j'ai plutôt bien apprécié ce tome, du moins, plus que le premier. Je trouve l'univers plus cohérent, moins brouillon. Je pense que c'est essentiellement dû au fait qu'on a eu le temps de planter les décors dans le premier tome et, du coup, de s'habituer aux codes particuliers de cet univers. Ceci dit, je trouve la place de la magie moins "bullshit" que dans l'enfant cerf. On a, notamment via les moines au service d'Abbé, une explication un peu plus logique sur la place de la magie et des énergies particulières qui circulent dans l'univers de Shikanoko. C'est toute bête, mais expliquer en quelques lignes qu'il y a la vision des Hommes normaux et celle des Hommes initiés rend la présence des esprits, les pouvoirs de Shisoku et Sesshin beaucoup plus crédibles. La dimension fantastique de l'univers ne sort donc pas de nulle part, le monde dans lequel on évolue est empreint de magie et de mystère, seulement pour le voir et l'appréhender, il faut passer par un lourd entraînement afin de devenir un "initié". J'ai apprécié qu'on clarifie un peu plus cette partie du récit, qui avait été le plus gros point noir du premier tome à mon sens. Cependant, si ce second tome est bien meilleur que le premier, il n'en reste pas moins handicapé de quelques défauts. 

La présence d'un trop grand nombre de protagonistes en est un exemple. Le retour à l'univers de Shikanoko ne s'est pas fait en douceur en ce qui me concerne. À plusieurs reprises, très nombreuses reprises, j'ai dû aller voir dans le glossaire des personnages qui était qui. Ça rend la lecture légèrement fastidieuse et très peu fluide. Entre les Miboshi, les Kakizuki, les différents domaines et tout le reste, il était parfois ardu de s'y retrouver et donc d'apprécier l'histoire. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est une erreur insurmontable mais, ça donne au récit une lourdeur particulière et pas franchement agréable. De même que le style, étant donné que je lis le livre en VF, difficile de dire si cela vient de la traduction ou du texte d'origine mais j'ai beaucoup de mal avec la plume de Lian Hearn dans cette série. D'un côté, elle est cohérente, car clairement inspirée des récits médiévaux japonais qui sont la première source d'inspiration de Shikanoko, d'un autre côté elle n'en reste pas moins... Lourde. Distante. J'ai beaucoup, beaucoup de mal à entrer en empathie avec nos personnages. Je vois la plume de Lian Hearn comme celle d'une vaste pièce de théâtre, on voit le récit de loin, à distance, j'ai comme la sensation d'avoir un mur en plexiglas qui se dresse entre moi-même (le lecteur) et les personnages. 

C'est d'ailleurs le principal reproche que je peux faire à ce second tome... Je n'arrive pas à m'attacher à eux. Shika, Aki, Hina, Tama, Sesshin, Shisoku, Masashika, etc. Tous me laissent étrangement de marbre. Il y a dans la plume de Lian Hearn, quelque chose de poétique, de noble mais de distant. Pourtant, ce tome est l'occasion de nombreux rebondissements, on a notamment tout un suspense quant à la survie d'un personnage dont on ne sait pas s'il est mort ou non. On devrait être intrigué, stressé, chamboulé mais, personnellement je m'en fiche un peu. Et c'est bien dommage, parce qu'on sent bien que l'auteur essaye de mettre en place toute une mise en scène pour impliquer émotionnellement son lecteur... Sauf que la sauce ne prend tout simplement pas avec moi. Là où ça me pose problème, c'est que j'en viens à passer à côté de tous les enjeux émotionnels de ce tome et pour illustrer ce propos, je vais devoir spoiler. À la fin du tome deux, Akihime, le "grand amour" de Shikanoko, meurs. Alors outre sa mort qui m'a laissée perplexe, je n'ai pas été convaincue par la peine de Shikanoko, ni même par leur histoire. Je n'ai pas ressenti la puissance de leur sentiment, la force de leur amour et ça me pose problème dans le sens où... Bah où ça rend le récit peu convaincant. 

En ce qui concerne l'histoire d'Akihime et Shikanoko, je suis aussi plutôt mal à l'aise quant à ce qu'elle implique. On crée une histoire d'amour sous la base d'un viol, ce que je trouve plutôt limite, même si c'est un cliché un peu récurrent qu'on retrouve dans les grandes épopées médiévales japonaises (Musashi, etc., le viol des enfants et des jeunes femmes est malheureusement mené courante et l'impulsivité des personnages masculins n'est que très rarement condamnée dans ces récits). Shikanoko, ne regrette pas le viol, il regrette de l'avoir commis sur une femme souhaitant se consacrer au culte de Kanon (qui implique que ses prêtresses soient vierges) ce qui rend notre héros plutôt antipathique. Idem, si on peut lui trouver l'excuse du "mais il était par lui-même blablabla" j'ai encore plus de mal à voir Akihime lui "pardonner" parce que la conclusion de cet acte odieux c'est que, au final, elle en avait envie. Et... Et juste bah, ça, j'ai du mal. Je veux bien entendre que ça colle avec la logique des univers de ce genre, mais j'ai énormément de mal avec le fait que dans un roman catégorisé pour la jeunesse, l'auteure ne prenne pas le temps d'apporter un certain recul de la part de ses personnages ou au moins une notre de l'auteure sur le sujet. Personnellement, je trouve ça plutôt malsain.  

En ce qui concerne l'histoire en elle-même, je suis plutôt surprise et intriguée par les choix qui ont été faits. En effet, la fin du tome deux est également marquée par la mort du prince Abbé, soit l'antagoniste principale du récit. Je suis surprise de voir que ce grand méchant tombe à la moitié de la série et je suis plutôt curieuse de voir, du coup, comment Shikanoko va évoluer à la suite de cet événement. Le tome deux, c'est aussi l'avènement de la descendance de Shikanoko. Les 5 démons engendrés par dame Tora et le fils issu du viol d'Akihime. Vu la tournure prise par les dernières pages, on peut aisément imaginer que la suite du récit sera centrée sur la traque que va devoir mener Shikanoko pour éliminer les 5 enfants de dame Tora, mais aussi sur la recherche de Yoshi et la lutte pour le remettre sur le trône. Abbé mort, j'ai la sensation que l'aspect "magique" sera moins présent et que le récit se verra plus centré sur l'aspect politique et guerre de succession. 

La princesse de l'automne est, en résumé, un tome beaucoup plus convaincant que le premier. L'univers est désormais bien ancré et le côté très récit choral, très GoT de la narration, rend le tout plutôt satisfaisant, on sent vraiment que Lian Hearn a réfléchi à son histoire, à ses personnages et c'est agréable. Cependant, la maladresse de la relation Shikanoko/Akihime et le style de l'auteure ne m'ont pas tout à fait convaincue. Cependant, les twists présents dans ce tome deux laisse penser qu'il y aura de grands changements dès le tome trois et je suis plutôt emballée et curieuse de voir comment le récit va évoluer maintenant que l'antagoniste de Shika est mort et qu'Aki n'est plus.

Ma note : 14/20

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